Assises du port du futur – nous y étions !!!
Les 9 & 10 septembre derniers, La Rochelle était bien représentée en les personnes de Michel PUYRAZAT, Philippe GUILLARD (Port de LR) et de René MURATORE et Valérie FERNANDES (Conseil de développement du Port).
Cette année, les Assises se sont tenues à Paris, et étaient organisées autour de deux grands axes : le Port Stratège pour la première journée, et le Port Entrepreneur pour la seconde. La diversité des intervenants, les regards croisés entre différents pays (Europe et États-Unis essentiellement), ont donné à ces deux jours une vraie densité et ont clairement fait ressortir trois points majeurs :
- La nécessité de faire évoluer les indicateurs de performance des places portuaires
- L’importance de se rapprocher des Universités et Grandes Écoles afin de favoriser l’innovation
- Réintroduire le Port dans la Cité et la Cité dans le PortLes ports dans le monde sont en mutation profonde. Ils relient aujourd’hui des territoires, ils les animent. Ils travaillent en réseau entre eux, à l’échelle d’une région, ou de plusieurs. Ils s’ouvrent sur de nouvelles cultures économiques, ils participent ainsi au développement de nouvelles filières industrielles (par exemple, les éco-innovations à travers la valorisation des sédiments – pour faire des routes, du béton …), ils s’appuient sur l’intelligence collective en actionnant des écoles d’ingénieurs, des universités et des start up, des associations. Se projeter dans l’avenir – 20, 30, 40 ans – n’est pas un exercice facile. Le Port de Rotterdam a choisi d’utiliser comme base préliminaire à ses réflexions l’ouvrage paru en 1972, « Limits to Growth », suite au sommet du club de Rome qui avait attiré l’attention sur la finitude des ressources et les risques environnementaux et sociaux générés par une croissance continue. Des trois scénarii élaborés, des invariants ressortent. Tout d’abord, la nécessité de trouver des indicateurs autres que ceux basés actuellement sur la mesure du trafic, aller vers des indicateurs plus qualitatifs, orientés vers la création de valeur. Autre élément clé : les Ports doivent métaboliser le développement durable, et bâtir leur développement sur de nouveaux modèles comme l’économie circulaire. Il s’agit pour cela d’adopter une vision systémique et de ne pas hésiter à forger des alliances inattendues. En d’autres termes, préparer sa mutation et pas son déclin. Pour développer l’efficacité logistique et la multimodalité, il est nécessaire de faciliter les infrastructures de transport. Pour cela, l’Europe va développer un cadre réglementaire afin d’attirer les investisseurs privés. Il faut faciliter les procédures douanières, faciliter l’accès au marché des services portuaires, clarifier les règles de contrôle et s’intéresser aux problématiques sociales du monde de la logistique (sécurité et salaires). En France plus spécifiquement, il est crucial de simplifier les règles administratives, de renforcer la coordination entre les régions et d’opter pour un aménagement du territoire plus volontariste.La question du dragage fut un des sujets majeurs de la seconde journée de ces Assises. Si le sujet peut de prime abord paraître aride, il est en fait crucial pour maintenir la compétitivité des ports. Pour autant, les freins sont nombreux : coûts élevés, risques sur le milieu marin, réglementations multiples et contraignantes, contaminants etc. Ces filières et ces expérimentations nous ont été présentées et reposent toutes sur la collaboration vertueuse du port avec des universités ou grandes écoles. Ainsi, la valorisation à terre des sédiments a-t-elle fait l’objet de la création de Sedilab avec l’Ecole des Mines et des industriels. Par exemple, une station d’assèchement et de traitement des sédiments a été construite au GPM de Dunkerque. Une fois les sédiments asséchés, les matériaux sont repris pour être valorisés autour des expérimentations suivantes :
- En France, en 2011, les sédiments représentaient 20 millions de tonnes de masse sèche, les 7 GPM en extrayant 18 millions à eux seuls. Selon les volumes, les ports doivent faire des demandes aux autorités, allant de la simple déclaration à l’autorisation. Cela sous-tend des analyses chimiques qui mesurent notamment la concentration de certains polluants, selon une classification allant de N1 à N2. Globalement, depuis deux ans, le nombre d’extractions de sédiments dépassant le seuil N2 va à la baisse. Sauf que la réglementation vient d’évoluer et que les seuils N1 et N2 pour les différentes classes de polluants viennent d’être abaissés. En conclusion, les masses draguées restent stables, les connaissances scientifiques progressent, mais le coût environnemental et économique reste élevé : le développement de filières de traitement et de valorisation doit alors être encouragé.
- Plusieurs exemples illustrent l’intérêt des alliances : HAROPA[1], les ports décentralisés –Nord-Pas-de-Calais, Bretagne, Languedoc Roussillon, les ports de la façade atlantique. Sur ce dernier point, le témoignage du Port de LA Rochelle a permis de souligner que ses points forts reposent sur son agilité et sa capacitéà fédérer autour de lui et à proposer des solutions innovantes aux clients. En ce sens, la création de l’OFP fut bien sûr citée, ainsi que la prise en compte de la chaîne logistique comme clé de développement du Port.
- La connexion avec l’hinterland fut un autre fil rouge abordé lors de ces assises.
- Parmi les alliances européennes, deux cas sont présentés. Celui du GPM de Marseille et celui de Venise. Marseille se veut le lien entre l’Europe du Nord et l’Europe du Sud, en développant des liens avec les ports fluviaux. Venise se veut le lien autour de la mer adriatique entre Europe centrale, Europe de l’est et l’Asie et ainsi convaincre les grands bateaux de remonter cette mer adriatique. Un des moments spectaculaires de ces deux jours fut quand le conférencier vénitien nous projeta une vidéo du projet de cassettes flottantes, sorte d’entrepôts flottants et écologiques. Dans une prochaine lettre, nous espérons vous communiquer un lien via lequel accéder à cette vidéo.
- Mais pour savoir où l’on va, faut-il encore savoir d’où l’on vient. C’est un cas remarquable qu’est venue nous exposer l’ancienne directrice du Port de Los Angeles. D’un port à la dérive, boudé par sa ville, en friches, renaît un port florissant, où les gens reviennent le fréquenter, où de nouveaux emplois apparaissent. Comment? En se réappropriant son histoire, une histoire riche, où les habitants de LA venaient le week end fréquenter le port : la pêche, le shopping (de nombreux commerces étaient installés sur le port). Le port était une vraie «sortie », une destination de loisirs. Cette lecture historique a permis de réfléchir aux différentes pistes permettant de recréer du lien avec la ville et in fine de trouver un nouveau souffle économique. Ainsi, aujourd’hui, autour du trafic de marchandises, se sont greffées de nouvelles activités : formation (collège maritime, centre de formation à la sécurité maritime), recherche (bassin à vagues le plus grand du monde pour mener des recherches sur les tsunamis par exemple), activités liés à l’aquaculture, à la lutte anti pollution. Un des axes de réflexion du port a été de redéployer ses espaces fonciers, et de permettre ainsi la reconversion d’entrepôts, ou d’espaces non utilisés. Ces derniers sont par exemple utilisés pour accueillir des créateurs d’entreprises (incubateur), des entrepreneurs, mais aussi un parc d’attraction, des artistes. Aujourd’hui le port de LA s’est relevé, il est considéré comme un des plus grands ports “verts” du monde. Ses emplois sont diversifiés.
- Avec en filigrane, les impératifs liés à la protection de l’environnement. Cette dernière est clairement en marche aujourd’hui, conscientisée par les Ports, impulsée par les différents arsenaux législatifs, nationaux ou européens. Telle Janus, elle a deux visages : la contrainte, qui peut être mal vécue par les acteurs, tant elle pèse sur la compétitivité si elle n’est pas opérée à l’échelle au moins européenne ; et l’opportunité via l’innovation verte qui amène les Ports à développer de réelles prouesses technologiques et organisationnelles, et in fine à développer des facteurs différenciants, des avantages concurrentiels par l’offre de nouveaux services.
- Eco-modelés paysagers végétalisées : ce sont des buttes paysagères
- Valorisation de la matière pour la structure de chaussées
- Fabrication de blocs brise lame en béton (pour renforcer des digues)
- L’ensemble des supports utilisés durant les différentes interventions des Assises sont disponibles sur le site du cetmef:
- D’autres exemples nous furent présentés comme le développement d’une nouvelle filière éco-industrielle pour un nouveau déchet public par le conseil général du Var adossé au centre de recherche de l’Insa de Lyon (cf le site de Cap Sédiments[2]). Enfin, via le projet Setarms[3], une analyse comparative des réglementations de 13 pays européens concernant les techniques d’évaluation des sédiments marins a été réalisée. Il en ressort que 4 conventions différentes sont utilisées pour l’ensemble des pays de l’UE, que les pays évaluent de façon très diverse leurs sédiments et que en la matière, la France a une des stratégies les plus développées.
http://www.cetmef.developpement-durable.gouv.fr/les-presentations-a1334.html
[1]HAROPA est le cinquième ensemble portuaire nord-européen, qui rassemble les ports de Paris, Rouen et Le Havre.
[2] http://www.cap-sediments.fr/
[3] Projet Setarms : http://www.setarms.org/page.php?id=54